samedi 15 juin 2019

DIEU





Oui attendons une minute, le temps de savoir exactement ce que l'on fait ici. Non pas que ça nous sera particulièrement utile pour savoir si Dieu peut faire du Catch sans perdre sa perfection, ou même se présenter à la Nouvelle-Orléans dans un costume de dalmatien. On ne va pas tellement passer en revue les idées que l'on s'est fait de Dieu, délirantes ou sérieuses et les rattacher aux formes de l'imaginaire précédemment listées. Je doute même que cela soit si intéressant : je n'ai jamais vraiment eu l'esprit catalogue. Seul l'imaginaire science-fictionnel m'intéresse. Donc après quelques observations sur le Dieu merveilleux et le dieu fantastique, ce qui va m'intéresser surtout, c'est de répondre à ces deux questions :

« comment devrions-nous imaginer Dieu dans notre univers mental avancé ? »
« Pourquoi diable ne le voyons-nous pas ainsi ? »

Bien sûr, dira-t-on, tout cela dépend de l'idée que l'on se fait de Dieu. Mais pour ces petits articles, en fait, tout dépend de l'idée que l'époque, la technologie, nos connaissances sur le monde, etc. nous amènent à nous faire de Dieu. Et remarquons qu'ici on parle bien de Dieu, au singulier majuscule, donc exit les paganismes en tout genre, même si, j'avoue qu'avec l'hypothèse Gaïa d'une part, le néopaganisme, ce culturalisme européen ethnocentriste d'autre part, il y aurait de quoi développer autour d'un imaginaire païen contemporain. Même s'il n'y a que Gaïa, hypothèse écologiste, qui soit en lien avec l'évolution de nos connaissances. 


Dieu du merveilleux et des miracles


Essayons de distinguer, pour des questions de clarté, entre la nature de Dieu et les actions de Dieu, entre l'idée que l'on s'en fait et la manière dont il agit dans notre monde, voire notre vie.

Ce Dieu du merveilleux est évidemment celui que l'on « connaît », celui de la bible et que 2000 ans de théologie, pointue ou populaire, nous ont rendu familier. Sa définition la plus sobre est sans doute celle de Leibniz : Dieu est l'être qui possède toutes les perfections à leur plus haut degré de perfection. En lui donc, tout est qualité, rien n'est défaut ; concept de Dieu plus que parfait, garanti sans gras. Comme moi quoi.
Superlatif incarné, Dieu est omnipotent : il peut tout, est tout puissant. Cette omnipotence se manifeste dans le fait qu'il est créateur, non seulement de l'homme et du monde, mais aussi de Lui-même par la seule force de sa propre définition. Les philosophes appellent ça être « cause de soi ». Étant cause de lui-même, il est ce qui est sans commencement ni fin : hors du temps, donc éternel. Omniprésent parce qu'infini il est partout, il sait tout parce qu'omniscient. Rajoutons qu'il est suprêmement bon et infaillible et nous aurons là déjà une assez bonne idée de ce qu'il est.

L'action de Dieu porte un nom qui est déjà tout un programme : le miracle. Le miracle est l'action particulière de Dieu qui transgresse le cours naturel des choses, les lois générales du monde. Il les réalise soit lui-même, soit par l'entremise d'un prophète et face à eux nous n'avons plus qu'à dire avec Tertullien : « j'y crois parce que ça n'a pas de sens ; c'est certain parce que c'est impossible ». Marie a un enfant en étant vierge, le Christ ressuscite après trois jours sans sentir le pâté, Tertullien. Des nourritures célestes tombent du ciel au milieu du désert pour nourrir le peuple élu qui se désespère, Tertullien. Jonas se fait avaler par un gros poisson et recracher entier quand enfin il décide de faire ce que Dieu lui a demandé ? Tertullien. On pourrait continuer longtemps comme cela.
On rétorquera : tout ça c'est vieux, c'est dans la Bible. Mais pour nous aujourd'hui ? Pour nous aujourd'hui, il y a les miracles reconnus du pape Jean-Paul II, qui ouvrent à sa canonisation. Il aurait soigné une maladie incurable. Mais on sait bien que c'est là un geste politique plus que de foi. Un autre type de miracle est l'apparition divine, comme à Lourdes pour Soubirous. On appelle cela la "théophanie". Bien sûr, Dieu infini ne peut pas apparaître tel quel, il se manifeste parfois comme une voix, ou par un rêve, il apparaît sous une forme dérivée, le Christ ou la Vierge, qui viennent le représenter, même et y compris sur une tartine de pain toasté. Cela sans doute pour se rappeler à notre bon souvenir.

Mais le miracle, même s'il est extraordinaire par définition, n'est pas toujours contre-nature et Dieu se livre aussi à des activités ordinaires, c'est-à-dire qui découlent plus ou moins de sa nature: il observe, il juge, il punit.
Omniscient et ubiquitaire (qui est présent partout), il voit toutes nos actions, même les plus cachées, connaît toutes nos pensées, même les plus intimes, mêmes celles que l'on se cache à soi-même. D'où les menaces métaphysiques dont s'arment les mères chrétiennes et les angoisses profondes dont elles accablent leurs enfants : tout mal que l'on commet, en action, en pensée, en parole, Dieu en prend connaissance, lui qui nous observe en permanence, et s'appuiera dessus pour nous juger. Jugement, équitable nécessairement puisque Dieu est à la fois infaillible et suprêmement bon, qu'on aurait tort de rejeter toujours aux calendes grecques : le jugement dernier n'est pas le seul jugement.
En effet, Dieu juge en permanence et punit en continu. D'abord évidemment part par les lois naturelles et générales. Qui se livre au péché se voue à une existence d'excès qui portent en eux leur propre punition : le gourmand, plutôt goinfre que gourmet, se promet maux de ventre en pagaille ; la luxure fait succéder à l'extase le taedius vitae, le dégoût de la vie, qui saisit celui qui, comblé de plaisirs, ne désire plus rien. Mais Dieu punit aussi de manière extraordinaire, miraculeuse. Ainsi, déjà, du déluge :

« L'éternel vit que la méchanceté des hommes était grande sur la terre, et que toutes les pensées de leur cœur se portaient chaque jour uniquement vers le mal. L'éternel se repentit d'avoir fait l'homme sur la terre, et il fut affligé en son cœur. Et l'éternel dit : J'exterminerai de la face de la terre l'homme que j'ai créé, depuis l'homme jusqu'au bétail, aux reptiles et aux oiseaux du ciel ; car je me repens de les avoir faits. »Et voilà comment en quelques phrases on ruine et l'infaillibilité divine et sa bonté : punir les oiseaux des actions des hommes est tout sauf juste …

Ce déluge est le premier d'un grand nombre de catastrophes qui, loin d'être naturelles, sont plutôt des miracles destinés à punir nos méfaits. Ainsi du tremblement de terre de Lisbonne en 1755. Pour beaucoup, c'était certain que Dieu avait puni Lisbonne, mais pour ce qu'il en est des raisons …. à Lisbonne on pensait que c'était à cause d'une trop grande tolérance envers les hérétiques (entendez : les étrangers) ; en Allemagne, on pensait que c'était parce que les Portugais vénèrent trop les idoles et les saints. Plus proche de nous, les télévangélistes américains qui depuis Reagan font leur beurre de l'apocalypse à venir, voyaient dans le sida lapunition divine de l'homosexualité et dans l'ouragan Katrina celledu jazz et de la prostitution.

Quiconque possède ces mêmes qualités et agit de la même manière que Dieu est Dieu. C'est ce que l'on peut tirer de la lecture du numéro 53 de Batman (segment Cold Days)








 Dans ce segment, Batman est à cran. Son projet de mariage avec catwoman ayant avorté, il s'est passé les nerfs sur un Victor Fries qui n'avait rien fait pour mériter ça. Afin de réparer sa faute, Bruce Wayne participe au jury lors du procès Fries avec l'intention claire de le disculper. S'ensuit une reprise de 12 hommes en colère dans laquelle, seul contre tous, Wayne va s'efforcer de faire naître un doute raisonnable dans l'esprit des autres jurés, au départ persuadés de la culpabilité d'un Mister Freeze habitué aux sales coups. Un de ses arguments les plus forts est que les citoyens de Gotham prêtent à Batman certaines des qualités et actions de Dieu, le traitent comme un Dieu. Tous lui doivent la vie, il est infaillible, son jugement est sans appel, son statut de « plus grand détective du monde » le rapproche de l'omniscience, il punit les criminels, protège les justes. Enfin, il est au dessus de nous, « above », au ciel, sur les toits.
Batman, donc, c'est Dieu. Comme est Dieu quiconque possède un de ces traits divins.

Dieu et fantastique


On voit très rapidement à quel point le dogmatisme est une impasse. Quand il est question de la nature de Dieu, de ses qualités, les contradictions ne manquent pas entre ce qu'on en dit (il est infaillible) et ce qu'en dit la Bible (il se repent d'avoir créé l'homme). De même quand il est question de ses actions : admettons qu'il ait décidé de détruire Lisbonne en 1755. Pour quelle raison ? Pourquoi Lisbonne et pas une autre ville ? Les certitudes ne résistent pas longtemps au doute et c'est du doute que les conceptions fantastiques naissent, d'un doute qui ne détruit pas encore l'objet en question, mais le maintient paradoxalement.

Du côté de la nature de Dieu, on peut considérer comme tenant d'un imaginaire fantastique l'approche qu'en donne la théologie négative. Celle-ci résulte en effet d'une réelle volonté de tirer les justes conséquences de la nature infinie de Dieu.
Pour notre entendement limité, Dieu est un scandale logique de la même nature que la porte de l'atelier de Duchamp. On peut vouloir réduire ce scandale par un dogmatisme crispé, mais pour écarter les doutes, il faut toute la malhonnêteté d'un télévangéliste américain, toute la bêtise désespérée de ses ouailles ou le fanatisme le plus criminogène. Le plus rationnel reste encore de dire que Dieu nous dépasse et que malgré tous nos efforts, nous ne pourrons jamais rien en dire.

Ainsi, pour Nicolas de Cues, Dieu est un inconnaissable absolu dans lequel les opposés se réunissent et cessent de s'opposer. C'est pourquoi « Dieu dépasse à plus forte raison toute dénomination », parce que nommer, c'est relever une qualité en niant son contraire. Ce qui est contraire à l'essence de Dieu, dont on ne peut dire qu'une seule chose : qu'il est infini, il réunit donc en lui ces couples d'opposition que le langage produit. Ainsi, « si tu dis que Dieu est vérité, tu tombes dans le mensonge ; si tu dis qu'il est vertu, dans le vice ». Mais il serait tout aussi faux de dire qu'il est vice ou mensonge ! On ne peut donc absolument pas connaître ce qu'il est ni rien comprendre de ce qu'il fait. Définition radicale : Dieu est l'être dont on ne peut pas parler. 

Citons, pour le sport, Denys l'Aréopagite :
on doit lui (= la nature divine) attribuer et affirmer d’elle ce qu’il y a de positif dans les êtres, puisqu’elle en est la cause ; ou mieux encore, le nier radicalement, puisqu’elle leur est infiniment supérieure ; tandis encore qu’ici la négation ne contredit pas l’affirmation et que cette nature suprême s’élève au-dessus de tout, au-dessus de toute négation comme de toute affirmation.
Délivrée du monde sensible et du monde intellectuel, l’âme entre dans la mystérieuse obscurité d’une sainte ignorance, et, renonçant à toute donnée scientifique, elle se perd en celui qui ne peut être ni vu ni saisi ; tout entière à ce souverain objet, sans appartenir à elle-même ni à d’autres ; unie à l’inconnu par la plus noble portion d’elle-même, et en raison de son renoncement à la science ; enfin, puisant dans cette ignorance absolue une connaissance que l’entendement ne saurait conquérir. Il n’y a en lui ni parole, ni nom, ni science ; il n’est point ténèbres, ni lumière, erreur, ni vérité. On ne doit faire de lui ni affirmation, ni négation absolue ; et en affirmant, ou en niant les choses qui lui sont inférieures, nous ne saurions l’affirmer ou le nier lui-même, parce que cette parfaite et unique cause des êtres surpasse toutes les affirmations, et que celui qui est pleinement indépendant, et supérieur au reste des êtres, surpasse toutes nos négations.

Ici les paradoxes abondent, ce qui n'est pas pour nous surprendre. Ce qui nous ennuie est qu'il nous invite à l'ignorance, à renoncer à toute donnée scientifique. Seulement, nouveau paradoxe, c'est dans cet abandon que l'on a une chance de connaître Dieu. Celui qui cherche à connaître Dieu, ou chez Jean Chrysostome, à en connaître les projets, se destine à échouer. Celui au contraire qui remplace toute connaissance par la foi s'assure une chance de connaître Dieu et ses projets. On se retrouve ici—versant sombre, dans l'univers de Kafka, souvent comparé à la théologie négative. Chez Kafka, on sait que Dieu agit dans le monde, mais rien ne nous permet de savoir comment ; qu'il attend quelque chose de nous, mais personne ne peut nous dire quoi. L'apologue de la loi, à la fin du Procès, semble nous dire que ces questions sont superflues, que demander, chercher à savoir, auprès d'une autorité légitime, l'avocat, le juge, le gardien de la porte est inutile : il suffit d'avoir foi et d'avancer, ce faisant, seulement, on suit la volonté de Dieu. Or si on peut suivre sa volonté, c'est bien que quelque part on la connaît. 
Sur un versant plus lumineux, on a les dialogues entre Docteur Strange et Tony Stark dans leur lutte contre Thanos. Strange devient un peu comme le Dieu de Leibniz. Omniscient. Il voit l'infinité des mondes possibles et choisit le meilleur d'entre eux, le seul où ils arrivent à battre Thanos. Seulement, dans ce monde-ci, Stark doit mourir. Lorsque ce dernier demande à Strange ce qui doit se passer, Strange lui répond qu'il ne doit pas le savoir, que s'il l'apprend, alors ce qui doit se passer ne se passera pas. Stark a foi en lui, ce qui lui permet de faire exactement ce que Strange avait prévu pour lui, dans l'ignorance la plus totale.

Voilà qui épuise la question de la nature de Dieu. Entrons un peu plus dans ses manières d'agir dans le monde. On a déjà dit que le fantastique s'impose à l'époque où la nature semble parfaitement connue et où les événements ne sont plus expliqués que par une chaîne naturelle de causes et de conséquences régies par des lois rationnelles. Les miracles divins n'y ont pas leur place et tout ce qui jusqu'alors s'expliquait par Dieu s'explique maintenant par les lois de la nature et l'action de quelque cause. Mais que penser quand ces lois mènent à un événement merveilleux, imprévisible et semble-t-il impossible ? Que penser quand un grand nombre de hasards s'additionnent pour donner naissance à un événement hautement improbable ?


C'est ce que l'on voit dans l'épisode 10 de la Mysterious Ways, Chute libre. Dans cet épisode, un laveur de carreaux tombe de 61 mètres sans se faire mal. Sa chute a été freinée par le vent qui frappe la paroi et la remonte, par une branche d'arbre et enfin par la capote d'une voiture qui se trouvait à l'arrêt pile en dessous. La conductrice est une architecte, désespérée parce qu'elle ne parvient pas à retrouver sa fille, qu'elle avait été contrainte d'abandonner. Il se trouve justement qu'elle a été recueillie par la famille du laveur de carreaux, dont la chute permet en dernier lieu et après pas mal de hasards accumulés de les faire se retrouver. Évidemment, chaque événement particulier s'explique parfaitement, mais c'est l'accumulation de hasards, la conclusion à laquelle ils aboutissent, qui semblent exiger une toute explication : celle d'une volonté, divine, à l’œuvre dans le monde. Le même type de raisonnement, inévitable, qui nous fait voir le destin s'accomplir dans les plus petits hasards. Ce qui est proprement fantastique dans l'épisode, c'est la solidité de l'explication naturelle, malgré son insuffisance, et tout à la fois l'impossibilité de poser sérieusement une hypothèse divine que rien ne vient soutenir, si ce n'est peut-être notre désir de trouver du sens, et la nécessité de cette hypothèse tant les hasards sont bien trop nombreux.


Dieu en science-fiction ?


Rappelons les questions :
« comment devrions-nous imaginer Dieu dans notre univers mental avancé ? »
« Pourquoi diable ne le voyons-nous pas ainsi ? »

Une première réponse est bien connue, elle est la trame d'une émission comme Alien Theory : Dieu, c'est un extraterrestre. Il est communément admis que les éléments nécessaires à la vie sur terre sont venus de l'espace. Cette théorie, la panspermie, postule que la vie est venue des astéroïdes et comètes qui se sont écrasés sur terre au moment de sa formation. La théorie des anciens astronautes va plus loin en y ajoutant une volonté. Plus l'interventionnisme extraterrestre est grand, plus la théorie est délirante. C'est une idée déjà ancienne. Littérairement, on la trouve déjà chez Lovecraft, pour qui les grands anciens vénérés comme des dieux par des troupes ahuries de dégénérés sont en fait des êtres cosmiques échoués sur terre. Mais la théorie des anciens astronautes, reprise par Ridley Scott dans Prometheus, développée dès les années 60, qui nous ont offert tout à la fois la scientologie et les raëliens. Ici, les extraterrestres sont divins seulement en tant qu'ils sont nos créateurs, c'est surtout leur avancée technologique qui nous les auraient rendus merveilleux. Considérer que les attributs divins ne sont pas des attributs essentiels mais des produits de la technologie est en fait une manière tout à fait rationnelle d'envisager le divin. Conférer cette avance à des races extraterrestres aussi, étant donné l'infinité de l'espace, pourquoi n'y aurait-il pas une infinité d'espèces, intelligentes et avancées ?

Mais on peut aller encore plus loin dans cette association de Dieu et de la technologie. Comme le fait Frederic Brown dans sa micro-nouvelle The Answer :

Dwan Ev ceremoniously soldered the final connection with gold. The eyes of a dozen television cameras watched him and the subether bore throughout the universe a dozen pictures of what he was doing.
He straightened and nodded to Dwar Reyn, then moved to a position beside the switch that would complete the contact when he threw it. The switch that would connect, all at once, all of the monster computing machines of all the populated planets in the universe -- ninety-six billion planets -- into the supercircuit that would connect them all into one supercalculator, one cybernetics machine that would combine all the knowledge of all the galaxies.
Dwar Reyn spoke briefly to the watching and listening trillions. Then after a moment's silence he said, "Now, Dwar Ev."
Dwar Ev threw the switch. There was a mighty hum, the surge of power from ninety-six billion planets. Lights flashed and quieted along the miles-long panel.
Dwar Ev stepped back and drew a deep breath. "The honor of asking the first question is yours, Dwar Reyn."
"Thank you," said Dwar Reyn. "It shall be a question which no single cybernetics machine has been able to answer."
He turned to face the machine. "Is there a God?"
The mighty voice answered without hesitation, without the clicking of a single relay.
"Yes, now there is a God."
Sudden fear flashed on the face of Dwar Ev. He leaped to grab the switch.
A bolt of lightning from the cloudless sky struck him down and fused the switch shut. 

Cette nouvelle de 1950 fait de tous les ordinateurs connectés Dieu. Aujourd'hui nous savons de quoi il retourne : internet, réseau d'ordinateurs connectés entre eux, comme dans cette nouvelle, est Dieu. Omniscient, tout le savoir s'y trouve, internet, par l'intermédiaire de nos objets connectés et téléphones, nous espionne en permanence, nous connaît mieux que nous-mêmes, nous juge aussi parfois sans défense possible, il est partout, sans forme, il est un dieu auquel nous participons tous activement. Medhi Belhaj Kacem ne dit pas autre chose dans Dieu, la mémoire, la techno-science et le mal. Pour lui, à la suite de Teilhard de Chardin, qui comme chacun le sait est LE philosophe de la sillicon valley, Dieu est la somme de toutes nos mémoires, une mémoire absolue et objectivée, objectivée technologiquement sous la forme d'internet, équivalent matériel de la noosphère élaborée par Teilhard de Chardin.

La première théorie trouve des adeptes : environ 20% de la population française y croirait, selon des sondages assez vieux et par nature douteux. Jean-Bruno Renard, sociologue qui s'est penché sur la croyance aux extraterrestres, remarque que ce sont généralement les personnes instruites qui y croient et que cette croyance vient combler un manque laissé par l'athéisme et le matérialisme. Les raisons de douter cependant ne manquent pas. Je reviendrai plus longuement dessus avec une analyse du livre de Stoczkowski, Des hommes, des dieux et des extraterrestres. Donnons pour le moment comme principaux problèmes : les promoteurs de cette idée sont soit des imbéciles, soit des charlatans. Ce qui aide pas. Il n'y a aucune preuve d'avancée, tout au plus des « signes troublants » accumulés et contredits par toute recherche rigoureuse. Tout ce bullshit non plus n'aide pas.

La seconde est à la rigueur plus facile à avaler. Mais on croit trop qu'internet n'est qu'un outil que nous avons créé pour notre usage, or Dieu ne peut pas être un outil. Or il est absurde de croire qu'internet est un outil. Nous serions même plutôt des outils d'internet. Qui peut prétendre utiliser internet comme un outil sans en être transformé ? Internet nous transforme, nous modifie, nous façonne. Nous sommes ses créatures autant que ses créateurs. Loin d'utiliser internet, nous sommes utilisés par lui à des fins qui nous dépassent; ce qui est plutôt divin. Il se nourrit en permanence des données que nous créons en permanence sans nous en rendre compte. L'idée selon laquelle Dieu ne pourrait pas être créé aussi est un obstacle, mais c'est un obstacle qui ne peut être levé qu'en changeant radicalement d'imaginaire, en abandonnant l'idée merveilleuse pour l'idée technologique de Dieu. Ce qui ne peut se demander.

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