vendredi 23 août 2019

Convergence des luttes


Il y a des expressions qui fleurissent et s'imposent dans les débats. Radicalisation par exemple. Qu'elle soit islamiste, d'extrême gauche ou droite, là où avant on distinguait les situations, maintenant on a cette grande notion fourre-tout dans laquelle on peut mettre tout ce qui gêne. Récupération pareil, pas un mouvement aujourd'hui, depuis 2016 j'ai l'impression, qui n'émerge sans évoquer sa crainte et son refus d'être « récupéré ». Et ils sont plein comme ça ces concepts creux, ces mots-écran dont il serait je pense dangereux de donner une définition claire. Ça limiterait drastiquement le sex-appeal de ces mots, si je peux dire les choses ainsi, et restreindrait fatalement leurs usages permis et leur capital rassembleur. C'est dommage parce que ce sont des mots qui justement semblent avoir plus de valeur oratoire que de contenu opératoire. Ils font bien en bouche. Je préférerai qu'ils soient bien en tête.
En 2016, en plein dans le mouvement contre la loi-travail, je m'étais fendu d'un article dans mon fanzine de l'époque, Ellebore, pour essayer de donner des contenus possibles à cette « convergence des luttes » qui était sur toutes les lèvres. Encore aujourd'hui je vois très souvent l'expression passer, mais toujours aussi peu définie. L'idée, c'était que cet article devait être suivi d'autres, qui croiseraient les luttes et testeraient leurs incompatibilités, leurs miscibilité, etc. Sorte d'agence matrimoniale autant que laboratoire cruel. En 2017, pour diverses raisons, tout ça restait dans les cartons. Mais mes intrigues philosophiques actuelles me les remettent dans les pattes. Ça, et la lecture d'articles divers sur internet.

Cet article, on m'en a peu parlé. Faut dire qu'il était mal écrit. Et plus soporifique que polémique. Dans un effort de clarification du langage et des idées, je définissais d'abord précisément ce qu'on peut entendre par convergence, puis assez vaguement ce qu'on peut entendre par lutte. Je me livrais en fait à une série de typologies que je croisais ensuite. Mais je pense que j'aurai pu aller plus loin. Donc allons plus loin.

« Convergence des luttes » tout le monde en parlait à l'époque. C'était un formidable slogan mais très franchement c'était pas beaucoup plus. Beaucoup étaient pour, mais ceux de lutte ouvrière avec qui je discutais levaient les épaules à son évocation et on voyait bien qu'ils étaient contre sans pouvoir réellement le dire. Quant à ceux qui faisaient leurs les positons de tract « le monde ou rien », ils étaient ouvertement contre. Mais à l'époque c'était bien les seuls. À l'opposé, Nuit Debout en a fait son objectif, mais sans préciser outre mesure ce qu'il fallait entendre par là. Résultat : ça a été un formidable gâchis de bonnes volontés. Mais cessons de parler des autres ; parlons de moi. Qu'est-ce que j'y mettais, au juste, derrière cette expression ?

Un terme, des concepts.


Un concept a trois composantes : un terme, une notion et une extension : c'est donc un mot avec une définition stricte qui renvoie à une réalité délimitée. La notion est produite par l'effort de définition, l'extension par l'effort d'illustration, le terme lui-même est choisi à la fin par un soucis de précision, afin de ne pas avoir les idées embrouillées. Wittgenstein disait d'ailleurs que la philosophie servait à dénouer des nœud dans l'esprit et c'était ça modestement que je m'étais donné de faire avec cet article. Et pour ça je remarquais déjà que la convergence est une notion trouble. Ambivalente :

« l'idée de convergence implique des réalités de même espèce, qui s'harmonisent ou se rejoignent, sans pour autant remettre en cause leurs différences. Deux droites qui convergent se coupent en un point, elles n'en restent pas moins deux droites distinctes. Deux espèces qui convergent sont affectées de manière analogue par un même milieu, elles n'en restent pas moins des espèces distinctes. »

La convergence donc rapproche. La notion géométrique de convergence nous fait dire qu'un point, qu'une situation qui pose problème pose problème à plusieurs niveaux, que donc des militants de divers « bords » peuvent se retrouver impliqués côte-à-côte. Les articles récent de Libération sur les conditions de travail des hôtesses d'accueil montrent bien qu'il y a deux niveaux en jeu : d'une part la vision dégradée de la femme, réduite à n'être qu'une sorte de poupée gonflable, d'autre part un problème économique qui n'a trait qu'à l'organisation du travail : des travailleuses isolées les unes des autres, qui ne peuvent donc pas s'unir, contraintes par une forte concurrence et le risque élevé de ne jamais être rappelées en cas de révolte. L'autre notion de convergence, biologique celle-là, dont la pertinence est plus difficile à montrer, tend à dire que les diverses luttes évoluent au cours du temps et se transforment d'une même manière en accord avec l'époque. On est là pas loin de l'invérifiable. Disons juste cela : si on estime que l'époque est beaucoup plus individualiste qu'avant, nécessairement cela devrait se vérifier y compris dans la manière de lutter contre les problèmes sociaux ou politiques. Alors sans doute le fait de faire ses bocaux chez soi « pour la planète » serait une manière individualiste d'être écolo. Plus simplement, les réseaux sociaux ont nécessairement modifié les manières de communiquer et d'agir. Donc de mener les combats.
S'il n'y avait que ça, ça irait. Mais en linguistique, quand deux langues convergent en raison de leurs points communs, elles finissent par n'en faire plus qu'une. Il y a une possibilité donc que la « convergence des luttes » renvoie à une fusion de toutes les luttes en une seule. Ce qui aurait pour effet de faire disparaître leurs disparités, leurs spécificités. Et là c'est pas du tout, mais pas du tout la même musique. Parce qu'alors il y des tensions possibles entre les vrais combats et les autres : au début du XXe siècle, certains considéraient que le féminisme bien compris, c'était la lutte des classes, la lutte pour l'émancipation du travailleur, et qu'avec la chute du capitalisme disparaîtraient aussi les problèmes spécifiques à la situation des femmes dans la société. Il me semble que c'était un des points de discussion entre Kropotkine et Emma Goldman. À vérifier. On sait pourtant depuis Flora Tristan et sa saillie sur la femme du prolétaire qu'il n'en est rien.

Pour séparer les deux, je proposais de distinguer convergence « multiple » et « unitaire » mais c'était vraiment faute de mieux. Autant y aller franco et distinguer entre convergence et unification des luttes. Cela afin de lever toute ambiguïté.


O.K. pour la convergence, mais les luttes ?
Là je commençais par une longue énumération :

« lutte contre le chômage, la précarité, le racisme, l'exclusion, le sexisme, l'analphabétisme, le capitalisme, la finance, la malbouffe, pour l'environnement, écologiques, politiques, économiques, intellectuelles, zones à défendre, manifestations, grèves et grèves générales, destructions, occupations, information, etc. »

et évidemment lutte contre tel ou tel projet de loi. Il serait délirant de dire que tout ça c'est la même chose et tout considérer de la même manière, mais il est indéniable qu'on parle bien de lutte en chaque cas. C'est là que je proposais un début de typologie. Cette typologie n'a évidemment qu'un intérêt limité : elle devait juste aider à classer et comparer les exemples exploités dans les articles qui auraient suivi. Autant dire que je ne cherchais pas à définir ce qu'est une lutte mais ce qui différencie les diverses luttes. Tenter une définition générale d'ailleurs présenterait je pense peu d'intérêt. Dire qu'une lutte est un combat mené dans le but de faire valoir des intérêts, des idées ou une cause nous avance pas vraiment. Il nous faut aller plus dans le détail.

On peut classer les luttes d'abord en fonction de leur orientation (je laisse de côté leur tendance politique).
On distinguera alors les luttes offensives des luttes défensives. Les premières « cherchent à renverser un état de fait pour en instaurer un autre », les secondes « visent à sauvegarder des acquis, un état de fait face au risque d'une dégradation ou d'une destruction ». Cette différence était au cœur du refus de la convergence exprimé par certains (tract le monde ou rien), vue comme une simple association de luttes défensives inefficaces, des illusions de lutte savamment cultivées, là où la seule vraie lutte serait offensive. On le comprend, par ce mot il fallait surtout entendre l'insurrection. Mais l'insurrection n'est pas la seule forme de lutte offensive : la promotion de nouveaux modes de vie, de nouvelles lois, de nouvelles idées est aussi offensive, en ce sens qu'elle vise à modifier activement la société.

On pouvait lire dans Le monde ou rien :
Arrêtez de nous bassiner avec vos vieux trucs qui marchent pas : la « massification », la « convergence des luttes » qui n’existent pas, les tours de paroles et le pseudo-féminisme qui vous servent juste à contrôler les AG, à monopoliser la parole, à répéter toujours le même discours. Franchement, c’est trop gros. La question, c’est pas celle de la massification, c’est celle de la justesse et de la détermination. Chacun sait que ce qui fait reculer un gouvernement, ce n’est pas le nombre de gens dans la rue, mais leur détermination. La seule chose qui fasse reculer un gouvernement, c’est le spectre du soulèvement, la possibilité d’une perte de contrôle totale. Même si on ne voulait que le retrait de la loi travail, il faudrait quand même viser l’insurrection.

On voit bien ici l'opposition dos à dos des luttes défensives, qui n'en seraient pas, et des luttes offensives, l'insurrection. L'insurrection n'est pas un moyen ici, mais le but même. Le mouvement contre la loi est l'occasion et les confrontations avec la police, dépassée, le moyen d'amener plus de monde à l'insurrection visée : faut dire qu'il n'y a rien de tel qu'un nuage lacrymogène fou soutenu par les discours politiques du 20h pour te radicaliser un pacifiste …
D'autre part, l'idée que la politique est avant tout une « bataille culturelle » amène la mise en place d'un grand nombre de stratégies de promotion d'idées qui marquent bien une volonté offensive de transformer la société, mais en transformant les esprits par des méthodes non-insurrectionnelles.

On peut les classer ensuite en fonction de leur localisation, de leur « extension géographique ». C'est sans doute là où les mots que j'employais étaient les plus gratuits, même si cet outil de classement me semble encore utile. « Certaines luttes n'existent qu'en fonction d'un lieu à investir, occuper, organiser et défendre et en dehors de ce lieu, nulle lutte ne pourrait espérer tenir ni réussir. On parlera ici de lutte située, ou centrée (zad). On parlera au contraire de lutte ubique lorsqu'elle peut se mener n'importe où sans perte. » Je donnais l'exemple des manifestations contre la loi-travail mais les gilets jaunes nous montrent bien l'allure que peut prendre une lutte ubiquitaire contre une loi, on avait en même temps des occupations de rond-points, des levées de péages, des manifestations dans les rues des villes, des gilets jaunes en évidence sur les tableaux de bord des voitures un peu partout en France. Entre les deux, j'envisageais des espaces de lutte étendue, « menée dans plusieurs lieux connectés, liés entre eux, comme les divers sites d'un même groupe », diverses universités, etc. Enfin, je proposais en passant de les classer en fonction de leurs domaine, leur champ d'intervention (social, écologie, économie, travail, éducation, etc.), objectifs immédiats et effets.

Est-ce pertinent tout ça ? Si on décide d'analyser ainsi l'occupation d'usine des LIP dans les années 70, qu'en dirons-nous ? D'abord qu'il s'agissait d'une lutte défensive située dont l'objectif était d'empêcher la fermeture de l'usine et de défendre les emplois. Il n'avaient pour cela d'autre choix, à côté des manifestations, que d'occuper l'usine et de la faire tourner. Mais l'effet a été tout autre : l'élaboration d'un nouveau mode de gestion et de vie collective ainsi que sa promotion par le biais de visites, de reportages et de publications. Les réseaux de soutien, qui font circuler montres et fanzines, peuvent sans doute être vus comme des espaces étendus, mais seulement dans le cadre de cette lutte offensive qui consiste à promouvoir le travail en autogestion et la démocratie directe au sein des entreprises d'abord et de la société ensuite. Quand l'usine a finalement retrouvé un patron, l'occupation s'est arrêtée : la lutte défensive avait trouvé une issue positive. Quand la crise économique de 74 a commencé à faire sentir ses effets en France, le gouvernement a coulé le groupe LIP de peur que dans les entreprises en faillite ou en difficulté, contraintes de licencier, l'idée germe d'occuper les sites et de les faire tourner au profit des travailleurs. Ce qui inquiétait, c'était ce contre-modèle dont la promotion n'avait été qu'un effet de la lutte mais qui s'était avéré être une réussite, s'était avéré être viable ; il était important pour le gouvernement de faire croire au contraire à son échec afin de ne pas faire face à un tissus d'entreprises autogérées, à une lutte non plus économique mais politique, étendue, menée depuis un réseau d'usines sans patron où les ouvriers se seraient formés seuls à la démocratie. Ça aide à voir qu'il y a eu là deux luttes différentes en tout mais dont l'une, avortée, d'un genre plutôt « bataille des idées », est l'effet direct d'une lutte économique aux objectifs précis et limités.


Convergence conjoncturelle et convergence structurelle


Je distribuais le reste de l'article entre convergence des luttes défensives et unification des luttes offensives. Mon but était d'analyser les différentes modalités de convergence et d'en donner, à chaque fois, un exemple. Peut-être aurai-je dû aussi chercher des convergences de luttes offensives et des unifications défensives, mais je ne visais pas l’exhaustivité, juste à commenter les débats auxquels j'assistais avec un travail conceptuel crédible. Je sais pas si j'ai réussi mais ça m'a en tout cas permis de me définir ce qu'est la lutte, je reviendrai dessus à la fin, mais j'en ai maintenant une vision très étroite.

Pour le moment, parlons juste de la « convergence multiple des luttes défensives ». « Qu'est-ce qui justifie le rapprochement des luttes ? (…) Ce sont souvent des raisons extérieures, contingentes qui ouvrent à la convergence ; c'est la bonne occasion, le moment opportun, et on dira cette convergence conjoncturelle. Cette conjoncture favorable peut s'étendre de manière restreinte dans un même domaine d'intervention, on la dira interne, ou bien réunir des domaines, des extensions distinctes. On appellera cette convergence plus large transversale. » L'idée était pour moi d'aller du plus restreint au plus large, en m'occupant d'abord des unions purement conjoncturelles pour ensuite aller à celles qui sont structurelles et donc plus susceptibles de durer et d'amener à une vraie convergence.
Je fais de la grève de soutien l'exemple le plus limité de convergence. La grève de soutien, elle est menée par des travailleurs qui ne sont pas directement concernés par une situation, en soutien aux travailleurs menacés. Mais pour qu'elle puisse se faire, il faut que les grévistes qui viennent en soutien justifient leur action par des revendications qui les concernent eux. C'est dire qu'à l'occasion d'une lutte (empêcher des licenciements), on peut en mener une deuxième dans des entreprises du même groupe ou de la même branche. Pour l'augmentation du salaire, l'amélioration des conditions, etc. Sur le même principe, la grève générale est une extension transversale. Mais le côté fourre-tout de ces grandes mobilisations pose un problème qui est plus que théorique : les luttes s'y superposent et se concurrencent, il n'y a en fait de convergence que des militants et pas du tout des luttes. Les conflits logiques ou éthiques y sont inévitables : peut-on à la fois manifester pour l'écologie et pour défendre les emplois dans les filières polluantes ? Les grandes manifestations générales de 2016 nous imposaient pourtant chaque semaine ces sortes de casuistiques. Pire, en raison des « thèmes porteurs » ou des « urgences du moments », certaines luttes étaient passées sous silence au double motif que certains thèmes sont plus rassembleurs et permettent de faire masse, alors qu'évoquer trop de choses différentes en même temps rendrait les discours et les positions trop confuses, menaçant la cohésion. On comprend évidemment ce genre de décision stratégique : ça montre cependant la faiblesse, quoi qu'on en pense, de ces alliances purement conjoncturelles. Ce qui nous pousse à réduire le concept de convergence des luttes aux seules convergences structurelles. Convergence permise par une « nécessité interne fonction d'un objectif clairement fixé » en vue duquel des militants agissant dans divers domaines peuvent agir conjointement. Autant dire que la convergence ne peut pas être un mot d'ordre général ou la convergence de « toutes les luttes ». La convergence de toutes les luttes ne peut être qu'une unification de ces dernières.

Unification des luttes offensives


Au fond, tout le monde a le même objectif, dès lors qu'on envisage de près ou de loin participer à une lutte : rendre le monde meilleur. D'une manière moins creuse, sans doute pourrait-on dire : supprimer les inégalités et l'exploitation, la domination des uns par les autres, quelle qu'en soit la nature. C'est dire qu'au moins sur un objectif assez vaguement exprimé, les divers domaines de lutte peuvent être réunis et parler un même langage. Domination des femmes par les hommes, de la nature par l'homme, des travailleurs par les capitalistes, etc. Nuit Debout, c'était ça : des gens qui se disaient que si on se réunissait tous, vu qu'on voulait tous changer le monde, on allait avoir une chance de le faire. Que comme tout le monde était en lutte contre quelque-chose, tous réunis, ils en viendraient peut-être à bout. Sauf que ça ce ne sont pas des luttes. On ne lutte pas contre une domination, mais contre une situation de domination. « Lutter contre la domination » est un cadre global, une utopie qui guide mais pas réellement une lutte. Toujours de nouvelles situations de domination, d'inégalité apparaîtront, les formes de dominations se transformeront et c'est pourquoi il n'y a pas de lutte sans un objectif précis, aussi limité soit-il, et pourquoi toutes participent d'un même mouvement, toutes contribuent par leurs effets à lutter contre les dominations. Mais c'est un effet, non le but, et c'est une manière de saisir l'ensemble des luttes en un même mouvement. Peut-être aussi un moyen de se dire que tout ça mène quelque part et cette pensée est évidemment nécessaire.
Les luttes peuvent s'unifier par leurs effets, en contribuant à changer les rapports sociaux et les mentalités, mais elles ne le peuvent pas dans leurs objectifs, qui sont fatalement amenés à se concurrencer : j'ai lu récemment un article dont l'autrice montrait bien sa difficulté à être tout à la fois féministe et écologiste : soucieuse de faire par elle-même produits sanitaires et de soin, elle se retrouve à assumer seule cette tâche à la maison et à y consacrer un temps considérable, comme une maîtresse du logis dévouée corps et âme à son foyer. Ce qui la dérange dans sa fibre féministe. Le seul moyen que l'on aurait éventuellement d'unifier ces luttes idéales serait de dire qu'au fond toutes les luttes combattent non pas seulement dans un but lointain identique, mais contre un ennemi commun, unique source de tous les maux de la société. Cela on l'a déjà dit, c'était l'idée anticapitaliste de base, qui se poursuit encore aujourd'hui, qu'on en accuse le capitalisme, le néolibéralisme ou qu'on donne à tous les maux une explication économique. S'il semble à peu près évident que les problèmes écologiques sont causés d'abord et avant tout par le capitalisme, tant et si bien qu'il n'est pas interdit de voir, dans une conception marxiste traditionnelle, la crise écologique comme la dernière crise systémique du capitalisme : être écolo ne serait-ce pas une sorte d'erreur de calcul, ne faudrait-il pas être simplement anticapitaliste dans ce cas ? À l'inverse, si l'inégalité de salaire et la « taxe rose » articulent bien sexisme et domination économique, peut-on pour autant donner une origine économique à tous les problèmes rencontrés et combattus par le féminisme ?


Conclusion


Je réduis le terme de lutte à l'effort pour agir sur une situation concrète ou sur un élément précis donné, afin de le maintenir ou de le transformer. J'insiste sur le caractère précis et limité des objectifs pour distinguer ces luttes des projets plus vastes (l'égalité, la paix dans le monde, etc.). Peut-on faire converger ces luttes ? Difficilement : massifier en réunissant les foules disparates s'avère insatisfaisant, mais certaines luttes par contre permettent d'unir les efforts de militants engagés dans des projets différents (anticapitalistes, féministes, écologiques, etc.). Mais cette convergence, certes structurelle, est malgré tout limitée à cet effort commun et à la situation précise sur laquelle il s'agit d'intervenir. Penser une convergence définitive et totale des luttes, c'est en fait exiger une fusion de celles-ci, ce qui n'est possible qu'à la condition hautement improbable de désigner pour toutes un seul et unique ennemi.

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